Ce livre propose un inventaire d’objets (photographiés) et de textes, qui mérite méditation et donc, comme tout bon livre de poésie, ne sera pas lu en cinq minutes, mais pendant une année et plus (tout dépend de la manière dont vous méditez un livre).
Ce livre a été publié aux éditions Soc et foc, en janvier 2006
Les inventaires sont une des approches fondamentales de la littérature. Les animateurs d’ateliers utilisent sans fin les inventaires. Les écrivains les utilisent sans fin. Les religions avec leurs litanies les utilisent sans fin. Les généalogies les utilisent sans fin, les boutiquiers les utilisent sans fin,…
Voilà j’ai commencé un inventaire mais ce n’est pas de celui-là que je souhaite parler. Je veux parler de celui qui se cache sous les références ci-dessous.
Sofie Vinet rend visite dans ce livre aux petits objets de rien du tout qui ont appartenu à sa grand-mère et à la relation de sa grand-mère aux autres. Elle nous en montre images et textes qui les fait perdurer.
Chaque petit texte, d’un abord très simple, est une mise en marche intérieure à partir de l’objet.
Ainsi de cette
« capuche plastique à deux francs », retrouvée sur une table de nuit, endroit insolite pour cela
ou de la rentrouvaille d’un petite bouteille de mercurochrome bien connu des enfants après être tombé :
« ça pique
il faut enlever les petits cailloux »
Découverte aussi d’un « carnet vert » :
« il n’y a rien dedans
seulement quelques pages découpées »
J’aime ces carnets que l’on retrouve au fond des tiroirs, carnets dont l’existence en soi rappelle l’écriture toujours possible, une réserve à mémoire, carnet acheté en sus des fournitures scolaires, gagné dans un concours, plaisant à la vue, acquis pour un projet qui n’a jamais vu le jour ou encore acquis d’une autre manière (qui est-ce qui a dérangé de « tenir son carnet » carnet intime carnet ultime, carnet de mille sabord). Quel était le projet d’écriture de copie de non-écriture d’inventaire à la base de cette acquisition ou de cette mise de côté.
Un petit livre pour grand lecteur et méditeurs du monde. Un monde qui nous est proche et qu’il faut oser méditer. Régine Detambel a dressé les textes des objets d’écolier (Graveurs d’enfance, réd. Folio, 2001), là se sont objets de grand mère ? Nostalgiques les inventaires ? Pas nécessairement pas tout le temps. En tout cas certes marqueurs du temps de ceux qui savent que le passé se conjugue au présent et que ce n’est qu’au présent que le passé existe. Alors je reviendrai sans doute ailleurs sur d’autres déclencheurs dans ce « Grand livre ». Ce type d’inventaire où l’objet renvoie à son histoire à notre histoire est une composante essentielle des inventaires.
Allez vite retrouver ce petit livre qui comme tous les grands livres parle aux petits comme aux grands.
Comme il est de est de écriture créative effective (pourquoi ressentir ce besoin d’en ajouter au nom même !), ne tombons pas dans l’effet-mode mais dans l’éphémère authentique, le véritable effet-mère qui donne énergie à ce qui nous entoure et nous donne la respiration.
Alors à votre tour allez fouiner, fouiner dans les affaires de la grand-mère, le jardin du grand-père, le tiroir du petit frère, la bibliothèque des parents, et rapportez rapportez votre rapport aux objets, qu’ils paraissent très simple ou un peu étonnant.
Un jour un papillon s’arrête sur ma bibliothèque et se laisse photographier sur fond de quelques livres d’art : comme le livre de Sofie Vinet comporte les images des objets d’où sont nés les textes, je ne peux m’empêcher de laisser ici la photo de ce papillon-savant qui butine les livres. Et je vous laisse photographier vos papillons intérieurs et extérieurs. Je vous laisse butiner en méditant ce texte de Maître Tchouang sur les œuvres duquel je reviendrai certainement aussi :
Tchouang Tcheou, au réveil d’un rêve où il avait été un papillon butinant les fleurs se demanda s’il était Tchouang Tchou se souvenant avoir rêvé qu’il était un papillon ou plutôt un papillon en train de rêver qu’il était Tchouang Tcheou.
(Les œuvres de Maître Tchouang, éd. de l’Encyclopédie des nuisances, 2006)