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LA LITTERATURE POUR L´ENFANCE ET LA JEUNESSE DANS LA REPUBLIQUE TURQUE
LA LITTERATURE POUR L´ENFANCE ET LA JEUNESSE
DANS LA REPUBLIQUE TURQUE
Gülçin Alpöge
La première Guerre mondiale a été suivie par la Guerre de libération qui a mis fin à l´époque ottomane et ouvert celle de la nouvelle République turque, fondée en 1923. Avec la fondation de la nouvelle République se sont succédés des efforts de modernisation lancés par le gouvernement. Le passage de l´alphabet arabe à l´alphabet latin, en 1928, est l´une de ces réformes radicales. Les instructeurs n´avaient que trois mois pour apprendre le nouvel alphabet avant l´ouverture des écoles en automne tandis que les enseignes, la monnaie, les journaux devraient être convertis complètement. Durant la décennie suivante très peu de nouveaux livres ont été écrits.
Le première encyclopédie pour enfants a été entreprise en 1927. Conçue comme un ouvrage en huit volumes la publication de l´encyclopédie a été arrêtée après le 4 e volume en raison du changement de l´alphabet. L´encyclopédie a été republiée selon la nouvelle orthographe en 1937 ( Özçelik , 1989).
Le renouveau de la littérature pour la jeunesse
Dans les années quarante, pendant les années de la deuxième Guerre mondiale, les éditions à bon marché ont été produites pour rendre les livres disponibles pour tous. L´Association pour la Protection des Enfants publie pour la première fois des livres pour les enfants d´âge préscolaire. Après la guerre, la fin des années 40 furent extrêmement fertile. L´intérêt pour les contes populaires s´est agrandi. Les meilleurs exemples de ces contes traditionnelles sont ceux rédigés par Eflatun Cem Güney (1896-1981). Pertev Naili Boratav (1907-1992) de l´Université d´Ankara, a rassemblé et classifié avec l´aide de ses collègues, quelques 3000 contes populaires authentiques. Quand son département à l´université a été fermé, il s´est rendu en France où il a vécu et travaillé pour le reste de sa vie.
Parallèlement aux livres, des revues de qualité sont entrées sur le marché. Peut-être l´une des meilleures revues turques pour enfants publiées jusqu´à présent, Dogan Kardeg (Frère Dogan), financé par une des banques les plus importantes est parue en 1945 (selon les archives de la revue). Elle était fondée à la mémoire de l´enfant du patron de la banque disparu tragiquement. La revue avait une attitude de camaraderie envers ses lecteurs. C´était comme un club. Les enfants pouvaient y envoyer leurs poèmes, lettres et photos pour qu´ils soient publiés. Elle offrait une grande diversité de thèmes et de genres : historiettes, histoires drôles, devinettes, jeux, nouvelles portant sur des événements inhabituels, illustrations, bandes dessinées en plus des histoires et contes. La revue a probablement eu une grande influence sur l´initiation des enfants à la lecture. On peut trouver dans les premiers numéros les poèmes, les histoires et les dessins des enfants qui sont devenus les auteurs, les poètes et les illustrateurs d´aujourd´hui.
Les années cinquante, soixante, soixante-dix et quatre-vingt
Les années cinquante sont les années où le système d´éducation turc, dans un souci de le rendre plus actif et plus centré sur l´enfant, s´est transformé passant du système européen classique au système américain moderne. C´est une période où les aides scolaires étaient introduites dans la salle de classe et une grande quantité de livres de science ont été publiés. Voici quelques titres : Comment fonctionnent les machines ? (1950), Qu´est-ce que la chaleur ? (1951), Que sont les plantes ? (1954), Comment vivent les insectes ? (1950), Les voisins de notre planète (1951).
Les années soixante marquent la participation accrue des femmes dans la vie économique à tous les niveaux. Avec plus de mères qui travaillent, l´attention s´est tournée vers les enfants d´âge préscolaire. A la lumière de la nouvelle Constitution adoptée en 1961, plusieurs institutions préscolaires, les crèches, les écoles maternelles, les garderies sont crées et beaucoup de nouveaux livres pour les jeunes enfants ont été publié. La plupart de ces oeuvres était des traductions.
Dans les années soixante-dix, l´intérêt pour les livres destinés à l´enfance a persisté. Un colloque organisé à Istanbul sur les livres de jeunesse a produit une liste de recommandations sur le contenu, le langage, l´impression, les illustrations, la couverture, les droits d´auteur, la distribution etc. D´autres conférences et des tables rondes à la radio et à la télé ont suivi ce colloque d´Istanbul. Enfin deux symposiums internationaux sur la littérature pour la jeunesse ont été organisés en 1979 et 1980. Aussi ont paru la même année (1977) deux anthologies raisonnée de la littérature pour la jeunesse Les années soixante-dix ont été le théâtre d´une tension politique intense. Et, surtout la période entre 1975 et 1980 fut une période de politisation considérable marquée par de combat idéologique entre la gauche et la droite.
La politisation a frappé les livres pour la jeunesse qui ont commencé à paraître ne plus destinés aux enfants. Comme le souligne Paul Dumont, « Cette littérature enfantine en pleine expansion est une littérature très engagée. Elle vise à sensibiliser les enfants aux problèmes économiques et sociaux de la Turquie et à les préparer dès leur plus jeune âge au combat politique. De toute évidence, ses promoteurs ne voient dans le public enfantin que des adultes en sursis. Les oeuvres qu´ils proposent aux enfants apparaissent très proches de celles qu´ils destinent à leurs lecteurs d´âge mûr ». Ni la langue utilisée, ni le style, ni les thèmes abordés ne semblaient convenir aux enfants. Le réalisme social est devenu dominant et les contes de fées étaient considérées comme ayant un effet assoupissant sur les enfants qui les empêche de voir la réalité (Erdogan, 1989). La majorité des oeuvres publiées à cette époque étaient donc des histoires et des poèmes réalistes.
Un changement de rapport est survenu après 1980. Diverses maisons d´édition ont commencé à publier presque en même temps les contes de fées les plus connus dans leurs versions originales. Avec les contes, les histoires qui sont le produit de l´imagination sont revenues sur le marché. S´est développée aussi une nouvelle tendance : les éditeurs religieux ont entamé la publication des livres pour enfants, augmentant soudain le nombre de livres disponible sur le marché.
Pendant les années quatre-vingt, on a aussi enregistré d´autres évolutions. Par exemple, des jeunes gens sont entrés sur le marché du livre en tant qu´écrivains ou illustrateurs. Ils ont commencé à écrire et à dessiner des illustrations pour les revues proposées à la jeunesse. Cela était rendu possible grâce au renforcement de la loi sur les droits d´auteur. Un deuxième pas en avant a été réalisé par le ministère de la culture qui a commencé la publication des livres pour la jeunesse, l´achat des livres pour les bibliothèques pour enfants et l´organisation des concours afin d´encourager les écrivains et les illustrateurs. Grâce à ces développements la qualité des livres publiés s´est améliorée, le nombre des maisons d´édition qui publiaient des livres d´enfants a augmenté nettement, et la qualité du papier et de l´impression fut améliorée.
Les années quatre-vingt dix et les nouvelles tendances
La littérature pour la jeunesse est de plus en plus prise au sérieux dans les années quatre-vingt dix. Un signe premier indéniable en est qu´elle soit devenue le sujet d´un cours spécial dans les écoles d´instituteurs. Deuxièmement, des salons du livre pour enfants ont commencé à être organisés. Ils couvrent à Istanbul une espace de plus de 2500 mètres carré où ne sont présentées que des publications pour la jeunesse. Ce développement est important parce que la distribution de ces livres continue à être problématique pour le moment. Les salons réunissent la plupart des livres publiés et constituent le seul endroit où les enfants peuvent les voir en totalité, les consulter, et les obtenir à des prix raisonnables. Troisièmement, le ministère de la culture, les maisons d´édition, les municipalités et certaines banques organisent des concours de livres pour la jeunesse. Finalement, trois journaux quotidiens qui donnent des suppléments littéraires hebdomadaires ont maintenant des chroniques pour les livres de jeunesse.
Résultats d´une étude sur les livres d´enfant et de jeunesse
Cette étude a été faite à l´Université de Bogaziçi et concernaitles livres d´enfant et de jeunesse publiés en Turquie entre 1990 et 2000. Les sources d´information sur les maisons d´édition qui avaient produit des livres d´enfant pendant cette période, a fourni une liste de 183 sociétés. Mais on a constaté que seulement 41 maisons d´édition avaient eu une activité sélective et spécifique dans le domaine de l´enfance, les autres ne produisant que des albums à colorier ou ne publiant que des traductions, ou même enfin se limitait à quelques livres d´une façon occasionnelle. Parmi les 41 sociétés seulement 36 maisons d´édition avaient produit des catalogues qui furent la source principale de cette étude.
On observe que cette décennie a produit moins de livres que la précédente, mais la qualité fut meilleure en terme de papier, de couverture, de technique d´imprimerie, etc.
Parmi les ouvrages catalogués seulement 774 livres furent élaborés par les critiques littéraires dans la section « livres » des journaux principaux. Ces articles ont constitué la base de l´échantillon représentatif de notre étude.
Une typologie générale donne les résultats suivants : Nombre d´ouvrages
Petit conte ... 272
Roman ... 139
Album d´enfant ... 138
Conte de fées ... 59
Poésie ... 39
Roman de jeunesse ... 35
Science-fiction ... 28
Fantastique ... 16
Pièce de théâtre ... 13
Biographie, etc. ... 10
Parmi les « petits contes » qui constituent le groupe le plus populaire, les contes qui traitent des animaux sont les plus diffusés, suivis des ouvrages à tendance écologiste dont on observe une augmentation en comparaison avec la décennie précédente.
La plupart des contes de fées sont des oeuvres classiques turcs, mis à part 4 livres qui ont utilisé des éléments traditionnels dans un cadre original et créatif.
On observe aussi l´augmentation de la diffusion des ouvrages qui préparent l´enfant à lire et l´initient aux livres.
Du point de vue du fond, les thèmes principaux traités dans les romans reflètent bien les préoccupations majeures de l´enfance et de la jeunesse turque : - L´émigration vers les grandes villes et les problèmes d´intégration des enfants.
- Les grands parents qui veinent à la grande ville et les expériences comiques qu´ils vivent.
- Les tensions entre les parents et les jeunes sur le choix du métier.
- Les ami(e)s et l´obstruction des parents.
En comparaison aux décennies précédentes on observe aussi l´émergence de deux nouveaux thèmes importants : le harcèlement des enfants et le divorce.
Les styles
Récemment sont apparues des histoires à la première personne du singulier, mais cela n´est toujours pas un style préféré car il ne se prête pas facilement à une approche didactique. Selon une recherche conduite par Seyda ÖzçaliSkan en 1994, d ans les livres illustrés les garçons sont décrits comme plus aventureux et plus courageux. Ils font des choses qui exigent de l´intelligence. Quant aux filles, elles sont décrites faisant les travaux de ménage, renfermées à la maison. Plusieurs activités sont permises aux garçons et ils sont en général des héros. Pourtant les auteurs se servent des filles comme personnages aussi fréquemment que des garçons.
La recherche effectuée par Zeynep Bilgin en 1985 sur les enfants de la troisième année de l´école primaire démontre que « les enfants s´attendent à être divertis par l´intermédiaire des livres illustrés, stimulés par l´intermédiaire des romans et renseignés par l´intermédiaire des livres instructifs ». Nous rapprochons-nous ainsi des besoins à satisfaire ?
Pour la première fois, le ton didactique des livres se transforme. Il y a des livres qui représentent les enfants tels qu´ils sont et qui parlent des véritables problèmes qu´ils affrontent. Muzaffer Izgü est un auteur qui écrit des livres de cette sorte. Il parle des problèmes sociaux aux enfants mais réussit à les amuser. Deux écrivains qui ont commencé à publier dans les années 80 et qui sont plutôt imaginatifs sont Elvan Pektan et Sevim Ak, Sevim Ak écrit pour distraire. Les enfants peuvent très facilement s´identifier aux personnages qu´elle a créés. Elle a un sens de l´humour subtil qui plaît bien aux enfants. De nos jours on trouve plus d´histoires drôles sur le marché du livres qu´auparavant.
La fiction pour jeunes adultes est un genre très récent. Bien que le nombre des auteurs pour ce type de lecteurs soit limité, Généralement les enfants commencent à lire de la fiction pour adultes après 15 ans, peut-être parce qu´ils n´ont pas accès à un très grand choix.
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